notes sur Antony Huchette
par Jonathan Martin

De toute évidence, Antony Huchette connaît quelques secrets de la vie. Celui des pâtes au thon à l'arôme-saveur ; celui du dos des chats, qui, à condition d'être convenablement frotté, frétille de manière amusante ; et quelques-uns, mais pas des moindres, à propos du dessin. On le sait à voir sa manière de tenir son stylo-pinceau, de manier son gros chat au museau écrasé ("Nénette"), ou de s'entraîner à la boxe dans les couloirs de sa prestigieuse école parisienne. Un geste un rien appliqué et naïf, qui a sûrement à voir avec celui du vendeur de frites qu'Antony admirait tant, lorsque, plus jeune, il arpentait ses contrées nordistes.
Ce serait un cliché de dire que l'attitude d'Antony Huchette est une attitude du Nord de la France, de ce pays à la poésie abrupte et paradoxale de caravanes à frites, mais cela décrit bien cette présence sérieuse, grave, et un brin naïve, donc. Une sorte de romantisme qui, c'est le point important, prend pourtant garde de bien rester les pieds sur terre, avec les choses de ce monde, les pâtes au thon, son chat cylindrique comme une bûche, les longs nez des gens et leur diversité de formes, les camions à plateformes. Et bien sûr : les femmes, qu'il dessine un peu obsessionnellement (comme nous tous), et qui, pour prendre des airs très nostalgiques, n'en ont pas moins des hanches extrèmement opulentes.
Peut-être est-ce alors d'autant plus émouvant quand survient un ours géant au volant d'une locomotive, ou Sandra, mystérieuse à force d'être un peu trop réaliste, avec ses yeux en mares d'encre insondables.
Non, Antony ne dessine certainement pas les choses telles qu'elles sont : plutôt, il ne veut pas se contenter de son tête-à-tête tranquille et apaisant avec le dessin, mais veut sincèrement se battre avec les vraies choses ; et ça, ce n'est pas rien.